Ressentir la puissance du présent

Ressentir la puissance du présent est largement inspiré d’un article de Marie-José de Aguiar

Le présent comme berceau du nouveau

Le surgissement du nouveau, d’un événement, n’est possible que dans un espace, dans un entre-deux , dans un entre toi et moi. L’événement est comme un instant qui nous invite à la bascule, à changer de direction, à transformer le chemin de nos vies.
Ainsi, l’espace ouvert rend accessible le nouveau ; le nouveau avec l’Autre. Instant suspendu où je suis avec le monde (et non plus séparé), présent et non plus dans les couloirs du temps (passé/futur). Et bien qu’invisible, c’est bien le temps qui nous organise. Alors, quand le temps s’accélère, les espaces se réduisent.

Aller toujours plus vite

Alors quid de notre capacité aujourd’hui à donner du temps au temps, à nous ouvrir au monde et à ses fulgurances qui nous transforment ?
Emportés par une société qui nous appelle à aller toujours plus vite, à nous pro -jeter , à pro -grammer , à pro- mouvoir, Marie José de Aguiar questionne notre glissement vers une polarité maniaque :
« Cette pro tension [est le] terme que Henri Maldiney utilise pour expliquer ce mouvement de la polarité maniaque, tendu vers le futur. Le maniaque dit-il est incapable de rétention, il anticipe l’avenir sans appui dans le passé, un passé instantanément dépassé, dépassé en effet sans passer par lui. Nous faisons pour la plupart d’entre- nous, l’expérience aujourd’hui de ce manque de temps dans nos vies quotidiennes. Les rituels , communions, réunions se réduisent au profit d’une production toujours plus rapide. Il faut encore faire et aller plus vite, sinon…….. ?? »

Où sommes nous ?

Nous pourrions être tournés vers le passé à la recherche d’un temps perdu ou bien projetés vers un temps futur insaisissable. Mais sommes-nous? Dans quel lieu, dans quel j’habite mon présent ? Ainsi, me promenant dans la forêt, quand je pense à ce repas entre amis hier, à ma réunion de demain, etc, je ne suis pas là en contact avec cet espace de la forêt, ses odeurs, ses mouvements de feuilles, sa fraîcheur sur ma peau, ses chants d’oiseaux…Je suis ailleurs. Hors du présent, je suis dans les couloirs du temps.

Notre monde s’accélère, la technologie appelle à plus de performance, la consommation nous incite à plus de production. Sans limite, nous courrons vers un idéal à atteindre totalement illusoire, et déconnecté de notre Être. Et quand les limites s’estompent, nous retournons vers un indifférencié pathologique.

Le Temps constitutif du Vivant

La question du temps est constitutive et essentielle pour l’être humain. En effet, notre temps est compté. Cette conscience du temps, de notre temps de vie limité, nous appelle à une exigence dans nos choix de vie, nos engagements au et de par le monde. Dit autrement, c’est bien la limitation de l’espace que permet ma valise qui m’amène à n’emporter que ce qui m’est essentiel.
Cette conscience du temps nous place devant nos choix explicites ou implicites, devant la responsabilité de nos choix…Mais suis-je prêt(e) à me dégager de mes agendas , de mes programmes, de mes projets, de cette vitesse qui m’éloigne de ce « qui je suis » dans ce temps qui m’est donné!

Le Temps, le Vivant, la Nature

Plus largement, cette conscience du temps présent est constitutive du Vivant. Elle s’éprouve par le corps, le contact avec l’environnement. Il suffit d’observer la nature, les animaux, les végétaux. L’animal sent qu’il doit constitué sa graisse en automne pour ensuite passer l’hibernation de l’hiver. Si ne le fait pas, il ne survivra pas aux froids. Sa chair le sait, le sent. Il n’a pas besoin d’un algorithme ou de statistiques. De même, plantez par exemple de la roquette, ou des épinards qui aiment plutôt un temps frais. Vous verrez comment l’arrivée de la chaleur les fait monter en graines. Des graines de transmissions en quelques sorte, sans savoir ce qui sera, pour les temps à venir, alors que la plante elle-même termine sont cycle et retourne à la terre.

L’angoisse de mort

Ainsi, serait-ce cette angoisse de la mort, que suggère cette conscience du temps que nous essayerons de ne pas voir, d’éviter ?
Serions-nous dans un effet de toute puissance où tous les défis sont permis ? Ne s’agirait-il pas dans cette société à grande vitesse, de ne plus ressentir, éprouver, souffrir même et de se sentir des êtres limités ?!
Ne serions nous pas en train de nous éloigner de notre humanité et être appelé à fonctionner comme des machines, des objets, des choses plutôt qu’à Être ?

Mais le retour à l’Être nécessite une humilité certaine, reconnaître que nous ne sommes pas des dieux tout-puissants. Il s’agit de penser l’extra-ordinaire non pas comme un éblouissement mais comme un espace de retour à notre vérité, à notre humilité, à notre humanité.
« Nous privilégions l’impulsivité du mouvement, la précarité de la relation, l’abus de consommation . L’image prend pas le pas sur l’être.
Retournement dans quelques années… après ce temps de la fureur de vivre, ne reviendrions-nous pas à plus de lenteur et un retour sur l’essentiel de conscience de soi , un retournement à notre terre et vers notre chemin ? 
»

Pour aller plus loin

Cet article vous aura peut-être interpellé/e ? Je reçois sur rendez-vous (06.82.57.63.22) à mon cabinet ou par téléphone/ visio. Ma pratique thérapeutique se base sur la gestalt-thérapie mais pas seulement. Pour plus d’informations ou prendre contact par messagerie, consulter la page présentation.

Source

DE AGUIAR Marie-José, « Vers une société maniaque », Gestalt, 2022/2 (n° 59), p. 141-148.

Illustration : Œuvre de TOMASZ alen KOPERA