Ce temps qui nous organise

Le temps – les cycles imposés par la nature

Le temps est une forme de loi naturelle à laquelle nous ne pouvons nous soustraire, quelque chose au-delà de nous, qui nous dépasse. Les mouvements de la planète, de la lune, des astres structurent un temps invisible, organisent des cycles qui impactent grandement la terre qu’il s’agisse des saisons, des marées, du jour et de la nuit, de la végétation, des animaux, des humains, du vivant au sens large… Ainsi, pour les anciens Chinois, le temps invisible imposé par le ciel impacte l’espace sur terre. Cette « loi » est largement déclinée par la médecine traditionnelle chinoise.

Ces mouvements, et donc le temps, viennent aussi poser des limites. L’être humain ne peut pas empêcher que le soleil se lève, ni qu’il ne se couche. D’une certaine façon, la nature peut nous rappeler à une certaine humilité, au sens de devoir se soumettre à son rythme, au sens d’y voir une force au-delà de nous, invisible en quelque sorte. La spiritualité n’est pas loin.

Le temps joue donc un rôle central dans les processus de différenciation. Sans limite temporelle c’est la confusion des espaces, des places. Oublier cette limite qui nous est imposée, c’est en quelque sorte oublier de se soumettre à la nature, à une loi au-delà de nous. Nous pourrions alors nous prendre pour des dieux (hubris), imaginant être en mesure de maîtriser la nature, de pouvoir mettre au point une version 2.0 de l’être humain.

Le temps passé, présent, futur

Le temps nous ramène à notre propre temps d’existence : un temps limité qui nous confronte à notre finitude, à la mort. Cette limite temporelle vient donc différencier l’espace de la vie de celui de la mort, celui des vivants et celui des morts.

L’élimination de la temporalité et de la séparation conduit à un indifférencié qui introduit un présent perpétuel. Le présent perpétuel, c’est le temps de l’immédiat, de l’impulsivité et du remplissage addictif.

Le pathologique : dénier le temps

Enfreindre cette limite qu’impose la nature est pathologique. 
Dans la famille, le temps générationnel introduit le passé-présent-futur et définit l’ordre des places et des générations. Cet ordre est nié dans l’inceste et l’incestuel.
De même dans la paranoïa, une personne ou un groupe dénie la conscience de la mortalité dans une attitude d’un « après moi le déluge… » Et cette absence de limite vaut autant pour les descendants (futur) que pour ceux qui précèdent (passé) au sens où la paranoïa nie la filiation, les origines, les ancêtres, les transmissions. Une telle attitude induit un déni de la responsabilité qui incombe à l’être humain dans ce qu’il reçoit de l’humanité qui l’a précédé et dans la responsabilité qu’il a de transmettre à l’humanité qui vient après lui.

En thérapie

En thérapie, cette limite du temps vient faire tiers entre l’ être accompagné et l’être accompagnant. Ni l’un, ni l’autre, ne fait tourner l’horloge, elle s’impose à l’un et à l’autre. C’est un élément du cadre qui contribue largement à la sécurité de l’un et de l’autre. La limite temporelle vient structurer la séparation. Sans cette limite, l’espace devient confusionnel. Et la limite du temps amène, tout comme dans nos vies, à revenir à l’essentiel.

Remettre de la conscience

Dans nos vies tout comme dans les groupes, le temps semble s’accélérer : Il faut faire, et quelque fois même faire pour hier… Mais dans cet « agir », prend-t-on le temps d’éprouver ce que cela nous fait vivre ? Prend-t-on le temps de penser ce que l’on agit ? Est-ce que ce faire incessant est essentiel dans notre temps de vie ? Nourrit-il nos valeurs, celles qui nous font vibrer, nous rendent vivants tant individuellement que collectivement ?
Et sentir ce qui s’éprouve, penser ce que l’on agit nécessite de ralentir, de laisser le temps au temps, de remettre de l’espace dans nos vies, de remettre de la conscience dans l’ici et maintenant. De quoi revenir à notre capacité à résonner au monde, à nourrir le contact et réhumaniser nos liens humains !

Pour aller plus loin

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Sources

Michel Odoul – Dis moi quand tu as mal, je te dirai pourquoi – Mythologies corporelles et cycles de vie. Albin Michel. 2013.
Ariane Bilheran – Psychopathologie de la paranoïa. Dunod. 2019.
Paul-Claude Racamier – L’inceste et l’incestuel. Dunod. 2021
Hartmut Rosa – Résonance. Éditions de la découverte. 2018

Illustration en avant : Œuvre de l’École de Dutch


Cet article a été ultérieurement complété pour faire l’objet d’une publication intitulée « Une limite à la (con)fusion » dans la revue Gestalt (2022/2 (n° 59), p. 125-129).