Le rapport à l’autorité peut-il nous aider à prendre soin du vivant ?

Le rapport à l’autorité intervient très tôt dans l’éducation. Il reste présent tout au long de la vie dans la mesure où nous vivons dans des systèmes régis par des règles et des lois nécessaires pour structurer le vivre ensemble.
Néanmoins, les expériences de Stanley Milgram ont montré, comment, dans certaines circonstances, l’obéissance peut devenir aveugle comme si la conscience de ce qui se passe ici et maintenant était altérée. Cette altération de la vigilance peut conduite l’être humain à une insensibilité telle qu’il peut poser des actes de négation de la vie, du vivant. Le vivant s’entend ici comme les autres, les animaux, les végétaux, la planète,… ou/et « tout simplement » notre propre énergie de vie.

Les travaux de Milgram

Au début des années 60, Stanley Milgram est interpellé par les processus qui ont pu conduire des personnes à être actrices du système nazi.
Sa question est : « Comment un individu honnête et bienveillant par nature peut-il faire preuve d’une telle cruauté envers un inconnu  ? »

Le dispositif expérimental
L’expérience de S. Milgram

Alors que les personnes pensent contribuer à des recherches sur la mémoire, c’est leur propre comportement que Milgram étudie. Pour cela, le sujet (S) fait mémoriser une série de mots à un élève apprenant (A). A chaque fausse réponse de l’apprenant, le sujet doit lui infliger une décharge électrique croissante pouvant aller jusqu’à 450 volts. Dans le même temps, le sujet doit aussi suivre les directives de l’expérimentateur (E) représentant de l’Université de Yale. Ce dispositif s’intéresse à la réaction du sujet confronté simultanément à la souffrance de l’apprenant qui implore l’arrêt de cette expérience et à l’exigence de l’autorité qui lui dicte que l’expérience doit se poursuivre. Dans les faits l’apprenant est un acteur, il n’y a pas de décharge électrique réelle mais le sujet l’ignore. Une vidéo extraite des enregistrements de Milgram montre ce dispositif ici.
Tous les participants sont ensuite informés de la véritable nature de l’expérience.

Les résultats

Les résultats montrent que 62 % des personnes ayant participé à l’expérience se soumettent à l’autorité, pouvant délivrer des décharges électriques mortelles si elles avaient été réelles. Dans l’analyse des résultats, Milgram évoque comment l’obéissance se met très tôt en place dans l’éducation. En effet, apprendre à un enfant à « dire merci » sous-tend un ordre implicite qui est « obéis-moi ».
Sur le plan de l’observation corporelle, les sujets (S) sont sujets à des réactions significatives : transpiration, tremblements, bégaiements, mouvements et rires nerveux. L’expérience de Milgram a d’ailleurs été vivement critiquée en raison de la détresse qu’elle faisait vivre aux participants.

Comment cette expérience peut-elle aiguiser notre vigilance ?

L’expérience de Milgram peut attirer notre vigilance sous différents angles (la liste n’est pas exhaustive…) :

L’interdépendance organisme/environnement

Cette expérience montre que le comportement d’un individu est influencé par le contexte dans lequel il évolue. Mais quel est, malgré tout, la part de l’individu sur l’influence du milieu : tous les participants n’ont pas obéit.

L’humilité

Les résultats de Milgram surprennent beaucoup. La réponse de chacun face à la demande de l’autorité montre que certaines personnes agissent contre leur conviction. Alors il est bien hasardeux de savoir à l’avance comment chaque être humain peut réagir dans des situations de contraintes similaires.

L’abandon de responsabilité

Considérant l’autorité comme légitime, l’individu passe d’un état autonome/responsable à un état « agentique ». Concrètement, il se comporte en agent d’une volonté extérieure, quitte à agir contre ses convictions, et à en souffrir.

La sensibilité

Les éprouvés corporels des sujets sont signifiants tout comme la souffrance qu’exprime l’apprenant. Quelle importance donner à la sensibilité ? Comment la sensibilité peut-elle alerter des situations de violences ?

L’autorité

L’autorité peut s’incarner dans une personne, un groupe de personnes (famille, entreprise, système éducatif, groupe sociétal…). Mais elle peut être plus insidieuse quand il s’agit de croyances/ représentation du monde…Aussi, dans notre contexte actuel, quelles peuvent être les représentations et croyances à revoir pour prendre soin du vivant ?

L’obéissance et la désobéissance

L’obéissance à des règles est indispensable au processus de socialisation. Pour autant, quelle place l’éducation doit-elle aussi donner à l’apprentissage de la désobéissance ? Comment l’éducation peut-elle soutenir le développement d’êtres adaptés et non soumis ?

Le potentiel humain

Les résultats des travaux de Milgram peuvent renvoyer à une vision sombre de l’être humain souvent répandue, qui peut faire autorité :)…Pourtant Jacques Lecomte rapporte de très nombreuses recherches issues de champs scientifiques multiples (neurobiologie, psychologie du développement, anthropologie, sociologie, …) montrant que la bonté est une réalité humaine tangible, et que la cohérence entre cœur et raison est possible !
De quoi cheminer en conscience, individuellement et collectivement, pour mieux vivre ensemble, préserver le vivant et faire barrage à la violence.

Pour aller plus loin

Cet article vous aura peut-être interpellé/e ? Je reçois sur rendez-vous (06.82.57.63.22) à mon cabinet ou par téléphone/ visio.
Ma pratique thérapeutique se base sur la gestalt-thérapie mais pas seulement. Pour mieux me connaitre ou prendre contact par messagerie, consulter la page présentation.

Sources

Stanley MILGRAM. Soumission à l’autorité. Éd. Calmann-Lévy (1994)
Jacques LECOMTE. La Bonté humaine: Altruisme, empathie, générosité. Éd. Odile Jacob (2014).
sites web : http://www.caute.lautre.nethttps://www.psychologie-sociale.com
Podcast France Culture : Faut-il apprendre à obéir ou désobéir ?

Illustration mise en avant : Œuvre de Marie Gérardin


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