L’illusion du perfectionnisme

Perfectionnisme : une illusion qui perpétue le désespoir

Le perfectionnisme renvoie souvent à un idéal à atteindre qui peut laisser croire qu’il est une panacée. Pourtant, à y regarder de plus près, le perfectionnisme se révèle être plus proche d’une illusion qui perpétue un état de désespoir.

Les « il faut » du perfectionnisme

« Lorsqu’il obéit  a des « il faut », l’individu joue un rôle qui n’est pas en accord avec ses besoins véritables. Il devient faux et phobique, il évite de voir ses limites et joue des rôles au-delà de ses possibilités… Il se construit un idéal imaginaire de ce qu’il devrait être et non de ce qu’il est vraiment.
Le concept de perfection est un tel idéal. A y  répondre, l’individu développe une façade pour montrer aux autres combien il est une bonne personne. Les exigences de perfection diminuent les capacités de fonctionnement authentique de l’individu autant avec lui-même, que dans [d’autres situations]. En tournant ses exigences perfectionnistes contre lui-même, la personne névrosée se met en morceaux pour atteindre son idéal irréaliste. Bien que la perfection soit généralement perçue comme un idéal, c’est en fait une malédiction avec laquelle on punit et on torture les autres et soi-même parce qu’on a pas réussi à atteindre un but impossible. »
Frederick Perls

Illusion et désespoir

Le perfectionnisme prend la forme d’une recherche d’absolu, d’idéal. L’individu se centre sur des exigences et des obligations multiples. Il accorde de l’importance à l’ordre et à la minutie, craignant l’erreur, la critique, la prise de risque. Ainsi, les peurs ne sont jamais loin, et une façon de les canaliser est de se placer dans le contrôle de soi et des autres.
Désirer devenir un être « parfait » répond à un désespoir, à un vide intérieur profondément douloureux où la conscience et l’estime de soi sont faibles. L’illusion de perfection fait croire qu’elle permettra de se sentir bien, nourrit, aimé, estimé. Pour cela, l’individu en vient à rejeter des parties de lui qui ne coïncident pas avec l’image qu’il veut donner.
Cette grande importance accordée à l’image renvoyée à autrui ne s’enracine pas dans un amour de soi profondément incarné, mais dans un vide intérieur qui cherche à se combler dans le regard de l’autre.

La réalité

Quand la réalité mène au désespoir et qu’il est impossible d’agir, l’illusion permet à l’esprit d’aller dans un ailleurs alors que le corps de l’être reste là. L’être y perd de sa vitalité, et une coupure s’installe entre l’esprit rationnel et les émotions, le corps. Mais la perfection n’est pas de se monde… et la personne ne manquera pas de se désespérer de ne pouvoir l’atteindre. Ainsi, le désespoir et l’illusion constituent un cercle vicieux dans lequel chacun des deux états conduit à l’autre.
Pour revenir à la réalité du moment présent, l’expérience corporelle est déterminante.

L’expérience du corps

Nous ne vivons la réalité du monde que par l’intermédiaire de notre corps. Nous recevons des impressions de l’environnement externe parce qu’il empiète sur notre corps et affecte nos sens. A notre tour, nous répondons à cette stimulation en agissant sur l’environnement. Lorsque le corps est relativement dépourvu de vitalité, les impressions reçues et les réactions diminuent. Plus le corps a de vitalité, plus il perçoit la réalité avec acuité, et plus il réagit vivement. La vitalité du corps dénote son aptitude à ressentir.

En l’absence de sensations, l’aptitude du corps à recevoir des impressions ou à réagir envers des situations « s’étouffe ». Ce qui s’étouffe émotionnellement se tourne vers l’intérieur: les pensées, les rêveries remplacent alors la perception et l’action ; l’image compense la perte du contact avec la réalité. Une activité mentale exagérée se substitue au contact avec le monde réel et peut produire une fausse impression de vitalité. Et privé assez longtemps de stimulation sensorielle, on affaiblit la perception que l’on a de son corps. Il en est de même lorsque l’activité motrice est sévèrement restreinte.

La personne prise dans l’illusion de perfection privilégie le rationnel puisqu’elle ne contacte plus ses sensations et émotions. Elle veut tout comprendre, s’appuie sur la logique, et donne l’impression de trouver des explications à tout. Ne pas entendre les besoins de son corps, ni ses limites, peut la conduire au surmenage, à l’épuisement, à la maladie.
A l’inverse, elle peut rester dans l’inertie, paralysée par la perfection et la crainte de faire des erreurs.

Le perfectionnisme dans notre société

Notre culture accorde beaucoup d’importance à l’image de soi, au fait de gagner. Une telle attitude minimise les valeurs humaines et subordonne les sentiments d’autrui à cet unique but : gagner, être le meilleur, le grand chef. Mais l’accomplissement d’un tel but exige qu’on sacrifie autrui et qu’on nie ses propres sentiments, car rien ne doit obstruer le chemin de la victoire…Ainsi, le perfectionnisme est une illusion très répandue particulièrement nocive, tant pour les relations avec les autres, que pour la relation à soi.

Perfectionnisme et déploiement de soi

Le perfectionnisme est à différencier d’une envie de se dépasser pour déployer son plein potentiel. La nuance tient au fait que l’expérience sera source de tension ou de déception dans le perfectionnisme, là où il s’agira d’une expérience excitante et stimulante quand il s’agit d’explorer son potentiel.
A noter que le perfectionnisme a pu être une réponse à un désespoir réel. Il ne s’agit donc pas de juger notre perfectionnisme, ni de le rejeter, …mais de l’accueillir, de le reconnaître et de voir comment du nouveau peut se créer entre les extrêmes, d’expérimenter le déploiement dans l’ordinaire, de pouvoir s’aimer dans ce qu’on est, plus que dans ce qu’on imagine de ce que l’on devrait être.

Pour aller plus loin

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SOURCES
Danielle POUPARD. L’interminable quête de perfection ou la recette infaillible du mal-être. Revue québécoise de Gestalt, VoL2 no. 1 (1997).
Alexander LOWEN. Le corps bafoué. Enrick Editions (2015).
Gagner à en mourir : une civilisation narcissique. Hommes et Groupes. (1987)

Illustration mise en avant : Œuvre de Robert Steven Connett


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