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La dépendance affective

Dépendance affective
Illustration de Marie Gérardin

d’après Gilbert Richer

Origine de la dépendance affective

À l’origine, la conduite de l’enfant est orientée par le contenu de sa vie intérieure, ses sensations, émotions, pulsions…manifestant son élan vital. L’élan de vie donne ce pouvoir d’être qui se déploie d’abord chez le nourrisson qui hurle l’urgence de la satisfaction de ses besoins puis, chez le jeune pubère qui clame haut et fort le droit (le besoin) à son autonomie décisionnelle, et enfin chez l’adulte qui œuvre à l’acquisition de son identité, ou qui s’insurge avec une colère bien canalisée contre un pouvoir qu’on cherche à lui imposer,…
L’éducation indispensable à la socialisation de l’enfant donnera nécessairement une forme de raffinement de l’expression de cet élan vital.

Par contre, lorsque la croissance est perturbée par la dysfonction familiale, la vie affective du nourrisson devient meublée par des sensations intolérables de rejet, d’abandon,…au point où la négation de sa personne, lui permet d’atténuer au maximum la présence potentielle de ces sensations. Ces comportements d’adaptation – de survie – entraînent malheureusement une parfaite inversion des conditions prévues par la nature pour accéder à une autogestion et à une autodétermination de qualité. Le développement de l’enfant bifurque pour favoriser dorénavant une dynamique axée sur les réactions affectives de ses parents. Et c’est précisément la généralisation de cette inversion de la dynamique de départ de l’affectivité qui, ultérieurement, définira le cœur du fonctionnement du dépendant affectif.

Six caractéristiques psychodynamiques de la dépendance affective

1) La peur de ressentir oriente le processus décisionnel

C’est la peur de ressentir qui génère la négation de soi et se traduit par la négation de ses sentiments. La personne dépendante a peur de ressentir ses propres émotions parce qu’elle a peur d’agir selon elles et de susciter le rejet chez les gens qui l’entourent.

2) Gestion infantile des affects et de l’expression émotive

Dans l’enfance, il existe une parfaite correspondance entre ce qui est ressenti et ce qui est exprimé : ce qui est exprimé correspond parfaitement à ce qui est ressenti (congruence). Mais lorsque la dysfonction familiale vient briser cette harmonie psychodynamique, ce qui est ressenti devient alors réprimé, maintenu à l’intérieur de soi, pendant que ce qui est exprimé a pour objectif d’atténuer, sinon d’éliminer la présence d’affects insupportables risquant de générer de la peur, de la souffrance. L’enfant qui n’ose plus exprimer sa véritable pensée ou ses véritables affects par crainte de subir l’agression verbale ou physique d’un parent en est un exemple : il agit de façon à taire l’expression de sa personne par crainte de subir l’envahissement de sensations de crainte et de douleur que pourraient provoquer l’agression parentale. En taisant l’expression de ce qu’il ressent et, plus tard, de ce qu’il pense, il inverse les conditions initiales de sa naissance : le pouvoir et la liberté d’être s’estompent pour laisser place à la peur d’être soi puis à une négation de soi qui aura tôt fait de diluer sa véritable personnalité, d’étouffer l’expression de son élan vital.
A l’âge adulte, les comportements de survie développés dans l’enfance et qui servaient de rempart de protection contre la peur et contre la douleur générée par la dysfonction familiale ont été maintenus dans la gestion de la vie affective.

3) Relations parentales avec autrui

Les autres sont considérés comme des « parents » potentiels de qui le dépendant affectif attend la même nourriture affective ou de qui il craint les mêmes réactions de nature agressive, avec qui il reproduit des modes relationnels similaires.

4) Mode d’attribution du pouvoir sur soi à autrui

Max Ernst - les Dieux obscurs
Max Ernst – Les Dieux obscurs

Le dépendant affectif a perdu tout contrôle sur la gestion de sa vie : ce sont les réactions affectives observées, anticipées ou projetées chez autrui qui dictent maintenant sa conduite.  En agissant de la sorte, il accorde aux autres le plein pouvoir sur sa conduite et l’orientation de sa vie. S’il croit qu’autrui risque de réagir de telle ou de telle façon, il aura tôt fait d’ajuster sa conduite sur la réaction affective qu’il observe, anticipe ou projette, pour éviter toute relation avec les peurs qu’il a côtoyées durant son développement.
Cette attribution du pouvoir sur soi à autrui continue d’éloigner le dépendant affectif de sa propre vie intérieure de sorte qu’il n’a plus aucune idée de qui il est ni quels sont ses besoins. Il devient un parfait inconnu à ses propres yeux et s’engage rapidement dans l’un des pires scénarios de vie : subir les besoins et les désirs des autres. Il n’est donc pas surprenant que les dépendants affectifs débouchent rapidement sur des problèmes d’angoisse: ils étouffent sous le pouvoir des autres et sous ce qu’ils répriment en eux, notamment leurs besoins ainsi que leur colère.

     Comme il a le plus souvent subi un abus de pouvoir parental et que sa liberté d’être a été troquée pour la négation de soi, il agira ultérieurement de façon à attribuer aux autres ce même pouvoir sur sa personne. Autrement dit, dans l’enfance, il subit un pouvoir parce qu’il était dépendant, impuissant et vulnérable, alors que parvenu à l’âge adulte, le pouvoir qu’il subit correspond maintenant à celui qu’il autorise. Cette caractéristique de la dépendance est probablement la plus dramatique puisqu’elle met en lumière la perturbation des deux pouvoirs dont la gestion est essentielle pour donner à sa vie l’orientation et le sens désirés : les pouvoirs d’être soi et d’agir sur soi

5) Conduite orientée autour de deux axes

Dans sa recherche d’amour, de reconnaissance, de valorisation, d’approbation, le dépendant affectif œuvre à éviter l’envahissement de sa vie affective par les peurs acquises. Ce sont là les deux guides exclusifs qui soutiennent l’ensemble des décisions qu’il prend à propos de lui-même.
La particularité du dépendant affectif est qu’il associe ces craintes au fait d’être véritablement lui-même. Autrement dit, il s’assure de recevoir amour, affection, etc.et d’éviter rejet, abandon, jugement, etc. en n’étant jamais lui-même, convaincu que c’est le fait d’être véritablement lui-même qui lui vaut ce traitement. Le dépendant affectif possède donc une estime et une image de soi profondément détériorées, résultat inévitable de ses carences affectives et de l’abus de pouvoir dont il a été la victime.

6) Préparation du scénario dépressif

Etre soi
Artiste non identifié

L’aboutissement de la faillite de cette négation de soi provoque l’émergence de la douleur et du scénario dépressif. La souffrance du dépressif véhicule donc une information à sa conscience : l’impossibilité de la poursuite de la négation de soi héritée de l’enfance et l’urgence d’un retour dans le sentier du développement de l’identité et de la sérénité.

En conclusion

La dépression d’une personne souffrant de dépendance affective révèle l’incapacité de réprimer son énergie vitale. La dépression n’est pas une maladie : elle est la faillite de la maladie de la négation de soi.


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