La dépendance affective

Origine de la dépendance affective

À l’origine, la conduite de l’enfant est orientée par le contenu de sa vie intérieure. Ses sensations, émotions, pulsions manifestent son élan vital. L’élan de vie se déploie d’abord chez le nourrisson qui hurle l’urgence de la satisfaction de ses besoins. Plus tard, l’adolescent clame haut et fort le droit (le besoin) à son autonomie décisionnelle. Enfin, l’adulte œuvre à l’acquisition de son identité. C’est d’ailleurs ce qui peut l’amener à nommer son désaccord au relation de pouvoir qu’on cherche à lui imposer.
L’éducation indispensable à la socialisation de l’enfant donnera nécessairement une forme de raffinement de l’expression de cet élan vital.

Par contre, dans des situations familiales dysfonctionnelles, le nourrisson vit des affects intolérables de rejet, d’abandon. Il peut alors s’insensibiliser pour atténuer au maximum ses vécus. Ces comportements d’adaptation, de négation de soi, de survie ont des conséquences. A court terme, ils permettent de s’adapter et traverser ce qui se vit. Mais à long terme, ils entraînent une parfaite inversion des conditions prévues par la nature pour accéder à une autogestion et à une autodétermination de qualité. Le développement de l’enfant bifurque pour favoriser dorénavant une dynamique axée sur les réactions affectives de son environnement. Et c’est précisément la généralisation de cette inversion de la dynamique de départ de l’affectivité qui, ultérieurement, définira le cœur du fonctionnement de la personne dépendante.

Six caractéristiques psychodynamiques de la dépendance affective

1) La peur de ressentir oriente le processus décisionnel

C’est la peur de ressentir qui génère la négation de soi et se traduit par la négation de ses sentiments. La personne dépendante a peur de ressentir ses propres émotions parce qu’elle a peur d’agir selon elles et de susciter le rejet de son environnement.

2) Gestion infantile des affects et de l’expression émotive

Dans l’enfance, il existe une parfaite correspondance entre ce qui est ressenti et ce qui est exprimé. Ce qui est exprimé correspond parfaitement à ce qui est ressenti (congruence). Mais cette harmonie psychodynamique peut se briser dans des environnements dysfonctionnels. L’enfant n’ose plus exprimer sa véritable pensée ou ses véritables affects par crainte de subir l’agression verbale ou physique de son milieu famillial. Ainsi, ce qui s’exprime a pour objectif d’atténuer, voire d’éliminer la présence d’affects insupportables risquant de générer de la peur, de la souffrance. Et une partie de ce qui est ressenti par l’enfant se réprime à l’intérieur de soi. Il agit de façon à taire l’expression de sa personne par crainte de subir l’envahissement de sensations de crainte et de douleur que pourraient provoquer l’agression de l’environnement. En taisant l’expression de ce qu’il ressent et, plus tard, de ce qu’il pense, l’enfant inverse les conditions initiales de sa naissance : le pouvoir et la liberté d’être s’estompent pour laisser place à la peur d’être soi puis à une négation de soi qui aura tôt fait de diluer sa véritable personnalité, d’étouffer l’expression de son élan vital.
A l’âge adulte, les comportements de survie développés dans l’enfance et qui servaient de rempart de protection contre la peur et contre la douleur sont maintenus dans la gestion de la vie affective.

3) Relations parentales avec autrui

Les autres sont considérés comme des « parents » potentiels. Alors la personne en attend la même nourriture affective ou craint les mêmes réactions de nature agressive. Les modes relationnels similaires se reproduisent.

4) Mode d’attribution du pouvoir sur soi à autrui

Max Ernst - les Dieux obscurs
Max Ernst – Les Dieux obscurs

Le dépendant affectif a perdu tout contrôle sur la gestion de sa vie : ce sont les réactions affectives observées, anticipées ou projetées chez autrui qui dictent maintenant sa conduite.  En agissant de la sorte, il accorde aux autres le plein pouvoir sur sa conduite et l’orientation de sa vie. S’il croit qu’autrui risque de réagir de telle ou de telle façon, il aura tôt fait d’ajuster sa conduite sur la réaction affective qu’il observe, anticipe ou projette, pour éviter toute relation avec les peurs qu’il a côtoyées durant son développement.
Cette attribution du pouvoir sur soi à autrui continue d’éloigner le dépendant affectif de sa propre vie intérieure de sorte qu’il n’a plus aucune idée de qui il est ni quels sont ses besoins. Il devient un parfait inconnu à ses propres yeux et s’engage rapidement dans l’un des pires scénarios de vie : subir les besoins et les désirs des autres. Il n’est donc pas surprenant que les dépendants affectifs débouchent rapidement sur des problèmes d’angoisse: ils étouffent sous le pouvoir des autres et sous ce qu’ils répriment en eux, notamment leurs besoins ainsi que leur colère.

Ce mode relationnel où la personne a appris à se nier pour pouvoir se sentir aimée, agira ultérieurement. C’est ainsi que la personne adulte pourra donner aux autres ce même pouvoir sur sa personne. Autrement dit, dans l’enfance, elle a subi un pouvoir parce qu’elle était dépendante, impuissante et vulnérable, alors que parvenue à l’âge adulte, le pouvoir qu’elle subit correspond maintenant à celui qu’elle autorise. Cette caractéristique de la dépendance met en lumière la perturbation des deux pouvoirs dont la gestion est essentielle pour donner à sa vie l’orientation et le sens désirés. Il s’agit du pouvoir d’être soi et d’agir sur soi.

5) Conduite orientée autour de deux axes

Dans sa recherche d’amour, de valorisation, d’approbation, la personne dépendante affective évite l’envahissement de sa vie affective par les peurs acquises.
La particularité de la personne dépendante affective est qu’elle associe ses craintes au fait d’être véritablement elle-même. Autrement dit, elle s’assure de recevoir amour, affection,… pour d’éviter rejet, abandon, jugement, etc. en n’étant jamais elle-même. Elle est convaincue que c’est le fait d’être véritablement elle-même qui lui vaut ce traitement. Alors, son estime et l’image qu’elle a d’elle même sont profondément détériorées.

6) Scénario dépressif

Etre soi

L’aboutissement de la faillite de cette négation de soi provoque l’émergence de la douleur et du scénario dépressif. Cette souffrance sonne l’impossibilité de poursuivre de la même façon. De surcroît, elle signe l’urgence d’un retour essentiel à la Conscience et à la reconnaissance du Soi.

En conclusion

La dépression d’une personne souffrant de dépendance affective révèle l’incapacité de réprimer l’énergie de Vie. Cette traversée vue souvent comme une maladie, offre en réalité la possibilité d’une remise en question, d’une réouverture.

Pour aller plus loin

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Sources

Gilbert Richer : https://www.pouvoir-et-conscience.com/dependance.php

Illustration mise en avant : Œuvre de Marie Gérardin